Lettre 3
III
Tu m'accompagnes dans les couloirs, entre deux sonneries, comme je n'ai personne pour me voir. Les après-midi vides qui sont des passages de la monotonie, seront remplis par ta présence, celle de tes mains qui me découvre le monde. Tu me montres ce qu'est la vraie vie. Celle de maintenant n'est que passagère, n'est-ce pas ? C'est tout qui va recommencer comme dans les vies qu'on a raté, qu'on a failli
Te souviens-tu des nuits à se chercher, à s'entrelacer dans nos pays que nous seuls connaissons ?
C'est la fin de l'été qui accompagne le début des cours. La chaleur d'un mercredi après-midi se mêle à des feuilles tombées déjà. Elles sont précoces, il n'y en a pas tellement encore, sur le quai des Grands Augustins.
Tu m'apprendras à vivre enfin, car tu vois bien que je m'y prends assez mal : j'ai toujours été maladroit pour les choses délicates. Je crois que quand je pleure dorénavant, c'est pour nous. Quand je suis faible, j'ai peur que tu ne saches pas l'être de ton côté. Ne désespère donc pas, espère moi, je t'espère. Je me dis souvent que nos vies sont absurdes, que rien n'a de goût en ce moment. Que mes peines sont devenus les repères qui guident nos yeux.
Mais tu es ma vie préférée. Et il n'y en a qu'une seule. Tout est injuste pour le moment. On aurait passé une bonne journée, les cerises égrenées dans nos mains. Elles sont sucrées, comme tes sourires qui sont le berceau de notre tendresse. On aurait traversé les quais en nous disant que la Seine ne coule que pour nous. Des heures qui remplacent celles déjà inscrites, et trop longtemps mauvaises.
Tu as une jolie écriture. Tes lignes bleues d'encre sont les journaux que je lis. C'est ma vie dans la tienne. Tes mots complémentaires aux miens insuffisants. Tes rayures, les gribouillis, les dessins blancs dans le noir, nos correspondances.